III. Les conséquences de cette découverte

1/ L’abandon des anciennes croyances

La découverte d’Harvey choque les Galiénistes qui sont profondément ancrés dans la vision antique de la circulation. Ils reprochent à Harvey de ne pas fournir une « cause finale » à sa circulation. En effet selon le modèle de Galien, le sang disparaît dans le corps après être passé par le coeur, tandis que la théorie de William Harvey est que le sang circule en circuit fermé. En France, Jean Riolan qui publie ses Oeuvres anatomiques en 1628 va même jusqu’à suggérer que si les observations de Harvey ne concordent pas avec celles de Galien, c’est que l’homme moderne n’a pas la même anatomie que l’homme du IIème siècle. Pour d’autres, Harvey n’est qu’un « circulateur » (terme désignant un charlatan itinérant chez les Romains).

Descartes  est lui aussi en désaccord avec Harvey et lui reproche de ne pas être assez « scientifique », et trop spirituel. Selon lui, c’était la chaleur du cœur qui était à l’origine des battements cardiaques. Par contre, la jeune génération de médecins accueille favorablement cette  nouvelle théorie.

Ce conflit de théories éclate rapidement au grand jour. Des écrivains comme Boileau, qui publie en 1674  Arrêt burlesque, donné en la Grand Chambre Du Parnasse, en faveur des Maistres ès Arts, médecins et professeurs de l’Université de Stagyre, au pays des chimères, défendent les anciennes croyances. D’autres comme  Molière qui publie Le médecin malgré lui en 1666 puis le Malade imaginaire en 1673, critiquent les pratiques médicales ancestrales, les circulateurs en général, et défendent une médecine plus moderne représentée par le modèle d’Harvey.

Le débat sur la circulation sanguine a servi de révélateur des divisions au sein du monde médical, entre le monde médical « scientifique » et le monde médical « religieux ». La question de savoir si le sang passe directement d’un ventricule à l’autre ou si il fait un détour en passant par les poumons n’est pas qu’une simple question d’anatomie. La réponse qu’on lui apporte détermine si la théorie de Galien est fausse, si on peut faire confiance à Harvey sur le reste de ses découvertes et si la conception de la religion catholique est dépassée. La théorie de Harvey était en effet en train de détruire toutes les conceptions si ancrées dans l’Eglise et la religion catholique.

Au nord de l’Europe, le monde protestant soutient Harvey et le Collège de médecine de Londres, d’abord très réticent à cette idée se rallie vite à la théorie.                         

Le camp adverse est en très grande majorité catholique, mais les exceptions existent. Descartes et Regius sont des catholiques « circulateurs », leur croyance en la religion étant modérée.

Après la découverte du microscope vers 1650 et l’analyse de la structure histologique du poumon, la théorie de Harvey devient irréfutable. En effet d’autres savants font des expériences et démontrent que la théorie d’Harvey est exacte, comme l’Italien Malpighi qui découvre en 1661 les capillaires sanguins qui permettent le passage du sang des artères aux veines.

En 1675, Louis XIV autorise l’anatomiste Pierre Dionis à enseigner la découverte d’Harvey à la chaire de chirurgie du Jardin des Plantes.

Pendant le reste du XVIIème siècle, l’écart entre les deux conceptions de la médecine se creuse : la conception traditionnelle, basée sur l’étude littéraire et en relation directe avec la philosophie et la religion, et la conception indépendante de toute forme de croyance et basée sur l’observation et les expériences.

2/ L’impact de cette découverte sur la recherche

La découverte de l’oxygène permettra de connaître la vraie nature de « l’esprit vital ». On la doit au chimiste suédois Carl Willem Scheele en 1773 et presque simultanément, en 1774, à l’Américain Joseph Priestley. Les avancées dans la transfusion sanguine, la révolution de l’anti-coagulation pendant la Première Guerre Mondiale, puis au XXème siècle, et la compréhension des fonctionnements cellulaires, moléculaires et génétiques n’auraient pas été possibles sans la découverte de William Harvey.

    William Harvey est un pionnier de la médecine moderne et un des inventeurs de la médecine expérimentale. Il a marqué l’histoire scientifique. Aujourd’hui de nombreux organismes portent son nom à travers le monde, et notamment en Angleterre :

  • le William Harvey Research Institut
  • le William Harvey Hospital
  •  la statue en bronze William Harvey par Albert Bruce-Joy
  • la clinique William Harvey Building…
StatueWilliam Harvey
La statue en bronze de William Harvey par Albert Bruce-Joy